Peuple et Culture Cantal
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Pierre 55 ans Aurillac
Les réalités parallèles

"C’est pas toujours mieux avant..."

C’est une histoire qui concerne ma jeunesse, donc ça commence à remonter un peu maintenant. Ça se passe avec mon grand-père qui, dans un petit village de Haute-Loire, exerçait la profession de livreur de charbon et de matériaux de construction.

Et donc il faisait le tour des villages. Chaque fois que quelqu’un construisait un garage, une maison, un appentis, il allait sur place, il livrait le matériau. Et moi, souvent, je l’accompagnais. Et donc, il restait entre adultes, tout ça. Parce que c’était une époque où il n’était pas imaginable qu’il ne boive pas un coup avec le client.

Et moi, pendant ce temps, je divaguais dans les villages, dans les maisons, les fermes. Et je rencontrais immanquablement les jeunes du coin. Et là, les jeunes du coin, souvent, bon, déjà, souvent, physiquement, c’était particulier. Parce que dans les villages, il y avait encore beaucoup de consanguinité. Et donc, physiquement, ça finissait par se voir un peu. Et c’était vraiment impressionnant visuellement. Et oui, c’était pas toujours mieux avant. Et donc, malgré tout, souvent on sympathisait comme les enfants peuvent sympathiser. sans fioritures. On sympathisait comme on pouvait. Moi j’étais souvent assez impressionné. Parce qu’il proposait des trucs vraiment très, très particuliers. Par exemple, quelqu’un pourrait même me proposer de toucher les seins de sa sœur ou alors de torturer tel ou tel animal. C’était de ce niveau-là. Moi, j’étais assez... Alors, c’était pas tout le temps, mais quand même, ça revenait assez souvent. On faisait vraiment ce qu’ils appelaient des bêtises. C’était pas moi ce que j’appelais des bêtises. En tous cas, j’étais souvent assez mal à l’aise avec ça.

Mais donc, quand arrivait le moment de retourner dans le monde des adultes, c’est à dire quand mon mon grand-père avait terminé avec ses clients et que je revenais vers lui, les choses avaient l’air d’un coup tellement plus normales et donc, j’avais l’impression de passer d’un monde à l’autre en fait en permanence. Et c’est là où j’étais tout minot, moi j’avais entre entre 6 et 9 ans, j’ai pris conscience que la réalité c’était en plus c’était stratifié en fait cette affaire. C’était plutôt des piles les unes sur les autres qui se superposent. On n’avait pas tous ni les mêmes références, ni la même façon de voir la réalité.

Et chaque fois que je revenais dans ce monde d’adultes, les gens se comportaient normalement. Comme ils devaient se comporter, se montraient très civils, ils disaient bonjour, ils disaient au revoir. Et donc, ce moment-là était un espèce de déclencheur, je pense, qui m’a fait prendre conscience, pas simplement de la dualité, mais de l’extrême volatilité de la réalité justement. Et donc je pense que c’est quelque chose qui m’a toujours accompagné sans forcément que j’en ai toujours conscience. Mais après j’ai rencontré la lecture et donc quand j’ai accueilli les livres, la lecture, c’est comme si ça enrichissait, solidifiait, ajoutait encore des strates à ces différentes façons d’envisager la réalité. J’ai toujours aimé la littérature ou le cinéma, les histoires qu’on peut bien se raconter et je pense que c’est très lié à cette affaire de soi-disante normalité du monde rencontrée lors de mon enfance. Voilà.