De quoi ça cause ?
Les deux réalisateurs se connaissent bien, ils ont travaillé ensemble près de trois ans sur un autre film intitulé Le lait sur le feu où le milieu agricole est aussi questionné à travers un éleveur haut en couleur, Alain Crevé. Connaissant ses 60 vaches sur le bout des doigts, Alain sera contraint d’abattre son troupeau entier parce que l’une d’entre elle aura contracté la maladie de la vache folle.
Récit d’une tragédie agricole qui renvoie à d’autres questions sur l’économie, le travail, Le lait sur le feu est à l’origine de La ruée vers l’Est. Alain Crevé raconte en effet aux réalisateurs qu’il pense à acheter des terres ailleurs, à investir. Il leur parle de sociétés, comme la Golden Valley, qui organisent des voyages pour futurs investisseurs agricoles dans les pays de l’Est.
Raphaël Girardot et Vincent Gaullier décident d’en être et d’aller filmer un de ces voyages. Ils relancent alors Alain Crevé, qui avait fini par renoncer à ce projet mais qui accepte cependant de les accompagner, offrant ainsi aux deux réalisateurs une porte d’entrée plus juste dans cette aventure agricole. « Avec Alain, me confie Raphaël Girardot, on était sûr d’avoir une parole forte même si nous tombions sur un groupe un peu introverti. »
Et de fait, on discute beaucoup dans ce bus, entre professionnels et experts de la terre. On discute éthique, politique, économie et avenir d’une agriculture qui se transforme à une vitesse vertigineuse. Un français installé en Roumanie dira au groupe de visiteurs : « dites-vous bien qu’en Roumanie vous serez chef d’entreprise, fini le tracteur. » Il faut voir ces agriculteurs flatter, soupeser la terre roumaine ou ses céréales. La beauté du geste renseigne plus que ces discours sur leur savoir-faire, leur rapport au travail ou leur amour de la terre.
Déroutant et complexe dans la manière d’aborder ces transformations, La
ruée vers l’Est n’est jamais manichéen. Il interroge aussi nos projets de vie et nos choix politiques : où et comment vivre mais surtout à quel prix ?
Nadia Mokaddem, Peuple et Culture
Kikiafékoi
Scénario : Vincent GAULLIER & Raphaël GIRARDOT
Producteur(s) : Sébastien HUSSENOT & Camille LAEMLE
Montage : Pauline DAIRU
Son : Vincent GAULLIER
Mixage : Olivier DO HUU