A propos d’Ali Zebboudj
Nous avons appris avec une grande tristesse la disparition, le 4 septembre 2007, d’Ali Zebboudj, « l’épicier-chanteur » de « l’Alimentation générale » de la Cité de la Source. Chantal Briet, la réalisatrice, Ludovic Arnal, le producteur, et l’ensemble des techniciens, distributeurs, professionnels qui ont travaillé sur le film, tiennent à témoigner à la famille d’Ali, à ses proches, et à toute la population de la Cité de la Source leur plus vive sympathie.
Tout comme dans son épicerie, la présence d’Ali dans le film a mis du « baume dans le coeur des spectateurs ». Ali avait tout à la fois un message poétique et politique à délivrer. Il était un résistant de notre époque, et c’est ce que le film a tenté de retracer, en décrivant la petite communauté utopique qui s’était créée dans cette épicerie, et qui rassemblait des personnes de tous âges, de toutes cultures et de toutes religions.
Le film est passé dans de nombreux festivals, et les témoignages émus à l’annonce de cette nouvelle nous sont parvenus des quatre coins de la planète… La sortie française en salles en novembre 2006, même confidentielle, a été un vrai bonheur. De nombreuses fois, Ali est venu débattre et chanter après les projections, à la grande joie des spectateurs. Ils ont été nombreux à nous témoigner leur émotion et leur soutien…
critique
Genèse du film
– L’idée première du film, sa racine, est attachée à ce mot-là : "Utopie", explique la réalisatrice. "C’est parti d’une réflexion proposée par le théâtre d’Epinay-sur-Seine : "Existe-t-il encore, dans cette ville de la banlieue nord de Paris, des énergies, des comportements, qui se rapporteraient à l’utopie ?". Alors, comme Don Quichotte, je suis partie à la recherche de l’Utopie, et je suis revenue, avec, dans mes bagages, plusieurs rencontres des personnes de toutes conditions, plus ou moins allumées, passionnées, qui y croyaient encore, ou qui rêvaient encore, ou qui faisaient... Par la suite, je suis restée en contact avec Ali, car j’ai senti que son épicerie pouvait être un lieu magnifique pour faire un film."
Provenant de :Allociné
Genèse du film
– L’idée première du film, sa racine, est attachée à ce mot-là : "Utopie", explique la réalisatrice. "C’est parti d’une réflexion proposée par le théâtre d’Epinay-sur-Seine : "Existe-t-il encore, dans cette ville de la banlieue nord de Paris, des énergies, des comportements, qui se rapporteraient à l’utopie ?". Alors, comme Don Quichotte, je suis partie à la recherche de l’Utopie, et je suis revenue, avec, dans mes bagages, plusieurs rencontres des personnes de toutes conditions, plus ou moins allumées, passionnées, qui y croyaient encore, ou qui rêvaient encore, ou qui faisaient... Par la suite, je suis restée en contact avec Ali, car j’ai senti que son épicerie pouvait être un lieu magnifique pour faire un film."
De bon matin...
– Les prises de vues de Alimentation générale se sont déroulées exclusivement en matinée afin de ménager les jeunes du quartier parfois méfiants vis à vis des caméras. Au fur et à mesure du tournage les habitants se sont habitués à l’équipe de Chantal Briet et ont même demandé à la réalisatrice de revenir.
Un projet longuement préparé
– Après avoir trouvé l’épicerie dans laquelle elle allait tourner son film, Chantal Briet a passé plus d’une année à écrire le long-métrage au rythme des rencontres avec les habitants et les habitués du commerce.
La tournée des Festivals
– Alimentation générale a été récompensé aux Festivals du documentaire de Madrid et de Lisbonne. Il a également été présenté au Festival de Toronto dans la catégorie Hot doc.
Comment filmer la vie ?
– Chantal Chantal Briet a voulu situer son film à la limite du documentaire : "Je voulais filmer la vie, mais comment filme-t-on la vie ?, s’interroge la réalisatrice. On pourrait placer une caméra de surveillance, et ensuite monter les images. Ça aussi, ce serait un film... mais pas le mien. Moi, je cherchais comment filmer des êtres en train de vivre dans ce lieu et comment en faire de vrais personnages de cinéma, auxquels on pourrait s’attacher, avec lesquels on pourrait ressentir des émotions proches de celles qui sont vécues là-bas — là bas, dans ce petit monde d’une épicerie de banlieue. Le documentaire classique s’inscrit souvent dans des conventions, rejette l’émotion, le rire. Moi, je voulais un film avec des personnages complexes et ambigus, comme dans la vie."
Note de la réalisatrice : Chantal BRIET
Lorsque je suis entrée pour la première fois dans l’épicerie de la Source à Epinay-sur-Seine, Ali m’a offert le café — servi sur les congélateurs, entre la machine à jambon et le journal destiné à tous… Les clients et les habitués qui défilaient chez lui racontaient comme à l’habitude les mini-évènements de leur vie… la pluie, le beau temps, les angoisses du moment, la vie dans la
cité, les émissions télé…
De ces diverses conversations sortaient des accents de solitude, de détresse, mais aussi beaucoup de bonne humeur et une sacrée dose d’humour — comme pour faire passer le goût un
peu amer de la vie…
C’était en 1999. J’ai rendu des visites régulières à Ali pendant plusieurs mois, surtout le matin, pour partager le rituel du petit déjeuner avec Janine, Bertho, Djama et les autres… Je crois bien que je suis devenue, moi aussi, une habituée…
J’ai rapidement compris que ce lieu me donnerait la possibilité de poursuivre ma quête : filmer le temps dans un lieu, filmer le temps qui passe sur des êtres, des visages, et sur leurs destinées. Filmer également une manière d’exister ensemble — un petit « commerce », qui reprendrait à son compte l’origine du mot lui-même : un lieu d’échange, où l’on s’alimenterait de manière générale…
Libération 2 novembre 2006
C’est un des derniers plans d’Alimentation générale. Ali
Zebboudj est dans les nouveaux murs de son épicerie, au
rez-de-chaussée de la cité de la Source à Epinay-sur-Seine
(Seine-Saint-Denis), alors qu’un bulldozer détruit le centre
commercial voisin où il a tenu son commerce pendant
quinze ans. Il lit le petit mot glissé dans la corbeille de
fleurs offerte par des habitantes de la cité : « Il y a encore
1
un petit coin de paradis qui fait
chaud au coeur, où le café coule à
toute heure. C’est un ami qui nous
sourit, c’est notre Ali et son grand
coeur. » Ali s’éloigne un instant,
submergé par l’émotion, magnifique
de pudeur.
Il y a beaucoup d’« Ali » en banlieue
: pharmacienne, instituteur,
travailleur social, simple habitant,
ils se démènent, souvent silencieux
dans les territoires de la
relégation urbaine, pour soulager
la misère des familles, prévenir
les conneries des plus jeunes, briser
les solitudes. Chantal Briet a
rendu visite à Ali Zebboudj durant
plusieurs mois et à deux années
d’intervalle. Elle s’est ancrée dans
les habitudes de cette épicerie où
l’on vient boire le café en lisant
le journal, en causant du film diffusé
la veille à la télévision ou en
égrenant des brèves de comptoir :
« T’es flic, c’est le boulot qu’est con,
ce n’est pas toi », gouaille Bertho
derrière ses immenses lunettes.
Chantal Briet a su capter les événements
minuscules qui surgissent
dans l’épicerie d’Ali à une distance
respectueuse. Ali aide Mamie
à choisir des endives, écoute le
chômeur sur-endetté, conseille le
retraité dans ses démarches administratives,
rigole avec l’un de ses
anciens cambrioleurs : « Il ne volait
que les bouteilles de whisky, il ne
dégradait pas le magasin. »
Alimentation générale est un film
qui pourrait se dérouler n’importe
où au-delà du périphérique :
à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-
Denis), aux Minguettes (Rhône),
au Mirail (Toulouse) ou dans les
quartiers nord de Marseille... Parce
qu’on a l’impression d’avoir déjà
vu cent fois le centre commercial
déglingué où Chantal Briet a
poussé cette porte de l’épicerie
accueillante. (…) Tout le mérite de
la cinéaste-documentariste est
d’avoir posé sa caméra dans ce
lieu universel de la banlieue en
dehors de toute actualité événementielle,
d’avoir pris le temps de
perdre du temps là où les caméras
ne font généralement que de
brefs allers-retours. Son film est
la lumineuse démonstration qu’une
autre économie de l’information en
banlieue qui ne soit pas exclusivement
centrée sur les carcasses
noircies des violences urbaines
permet de renouer avec la confiance
de ses habitants.
Jacky Durand
TEXTE(S) DE SOUTIEN DE
L’ACID
Le film pourrait s’appeler « La
Caverne d’Ali Baba » ou encore « Ali
Baba et les quarante voleurs » ou
tout simplement “Ali et son épicerie“.
Chantal Briet, la réalisatrice
du film, pose un regard politique
et humain sur cette cité d’Epinay-
sur-Seine. En effet, après ce
film, on a envie de devenir épicier,
non pas pour vendre des produits
mais pour produire et donner de
l’Amour, comme Ali, le protagoniste
du film, qui en fabrique et
en distribue gracieusement chaque
jour dans sa petite boutique
perdue au milieu de la cité. (…)
Tout le monde se connaît ici, on se
croirait en province. L’épicerie est
devenue le coeur de la cité, où les
gens peuvent se rencontrer, parler,
rire, bref partager un vrai moment
de bonheur et de vie. Le film de
Chantal Briet est aussi un film
politique, car il propose une véritable
réflexion et pose des questions
cruciales sur l’aménagement
d’une cité. Alimentation générale
en dit long sur les questions que
nos politiques devront se poser
à l’avenir avant de détruire ; et la
concertation qu’ils devront avoir
avec la population afin de ne pas
briser la vie de gens qui ont déjà
trente ou quarante ans d’existence
dans la cité. Enfin, Alimentation
générale est un film universel,
qui vaut pour toutes les cités du
monde, et il y aura dorénavant toujours
un peu de Ali lorsque j’irai
chercher du pain ou du camembert
en plein milieu de la nuit chez mon
Arabe du coin.
Djamel Ouahab
Le quartier de la Source à Epinaysur-
Seine. Chantal Briet construit
son récit autour d’un magasin
d’alimentation générale tenu par
Ali où le café est offert à toute
heure (Il m’a rappelé Harvey Keitel
dans Smoke de Wayne Wang). C’est
le seul endroit où il y a encore
un lien social dans cette cité ou
la misère plane partout. La réalisatrice
dresse une succession
de portraits surprenants, comme
celui de Jamaa écorché vif amoureux
de littérature, ou de la vieille
Jeanine qui n’aime que les polars
parce qu’il y a du sang et de la
tuerie. Avec ces personnages, 2
Chantal Briet nous fait partager
des moments d’intimité et d’émotion
rares en intégrant, c’est toute
la force du film, le regard qu’ils
portent sur eux-mêmes - conscients,
cyniques ou courageux -
faibles, démissionnaires ou combatifs.
Un très beau film qui propose
un regard nouveau sur un sujet
essentiel.
Amal Bedjaoui
CE QU’EN DIT LA PRESSE
Les Inrockuptibles :
Il y a dans ce film la quintessence
de ce qu’ont toujours cherché, en
forçant sur le trait, Mocky, Jérôme
Deschamps ou Scola.
Télérama :
Sous l’épaisseur humaine de cette
étonnante galerie de portraits,
c’est bien le malaise social qui
suinte, le scandale du désengagement
de l’Etat, la détresse d’un
quartier livré à lui-même.
Positif -
Eithne O’Neill :
Les séquences consacrées aux individus
rencontrés chez Ali [l’épicier]
composent, par touches successives,
un « visage collectif ». La
réussite du film tient à sa mise en
scène théâtrale.
Africultures.com :
– Anne Crémieux
Alimentation générale filme la banlieue
comme on la voit au 20h, (...)
mais avec l’humanité en plus, (...)
loin des clichés journalistiques.
Alimentation générale est plus proche
de Smoke que de La Haine.
Le Nouvel Observateur :
Chantal Briet a filmé de bien jolies
choses, le quotidien anodin de ces
vies qu’on dit d’ennui, avec un oeil
si proche qu’on s’émeut de ces
riens qui font le mouvement d’un
quartier.
Ciné Live :
Le bijou documentaire du mois,
sans cynisme, fausse pudeur ou
démagogie populiste. Juste un film
sur des hommes qui vivaient quelque
part au début des années 2000.
L’Humanité :
Partie, comme Don Quichotte, à
la recherche de “l’utopie”, elle a
trouvé ce microcosme inattendu et
filmé, tout simplement, des êtres
humains en train de vivre.
Le Monde :
Chantal Briet, accompagnée d’une
équipe de tournage, a observé
cette boutique un peu particulière,
où la vente n’est qu’un prétexte à
la rencontre et au dialogue. Son
film, dénué de commentaire, porte
un regard tendre et sans artifices
sur une cité de banlieue ordinaire.
Entretien de la réalisatrice avec Cinéma(s) le france
Comment avez-vous écrit puis
tourné votre film ?
Je n’habite pas en banlieue, mais
j’y suis souvent et j’aime y être.
Dans toute situation de guerre,
des crise, on retrouve des concentrations
d’énergie, il y a de la vie.
En banlieue, c’est un peu cela, on
n’est pas en guerre, mais on est
souvent dans le drame, pas celui
qu’on nous montre, un drame plus
profond, plus caché, plus universel.
Il y a tous ceux qui sont exclus économiquement
des grandes villes,
mais aussi tous ces gens arrivés
en France parce que c’était vital,
autant pour eux que pour nous, les
Français. Pour résumer grossièrement,
cette épicerie contient le
monde, sa tragédie, mais aussi sa
force de vie.
J’ai passé beaucoup de temps làbas,
à rencontrer les gens, à boire
le café avec eux. Ça, c’est la première
étape. Elle a duré longtemps,
le temps de l’écriture et de la
maturation du projet, plus d’un an.
A tel point que les clients de l’épicerie
ne me croyaient plus quand
je leur disais que je venais pour
préparer un film, c’est eux qui me
réclamaient le tournage au final !
Ensuite on cherche, on se questionne.
Je voulais filmer la vie,
Il y a une dimension politique
dans ce film ? Dès qu’on filme la cité, on est dans
la politique. La politique, c’est
« la gestion de la Cité ». Filmer ce
lieu unique comme une « utopie »,
c’est déjà une démarche politique.
Aujourd’hui, on est dans le culte
de la croissance, du « tout rentable
». J’ai voulu filmer le petit par
rapport au gros, l’Alimentation
générale par rapport à Carrefour...
Dans cette épicerie, les gens viennent
chercher quelque chose qui
ne peut être pensé ni mis en place
par les politiques ou par le « grand
capital ».
Oui, il y a cette dimension-là,
mais avant tout votre film atteint
quelque chose de profondément
humain, qui est rare...
Il me semble que j’ai commencé
à comprendre et à atteindre mon
film lorsque je suis allée rencontrer
chez eux chacun des clients
que j’avais choisi de filmer durant
ces quatre années. C’était une
étape décisive. Ils ont senti que
je ne voulais pas les filmer uniquement
en situation de représentation
(on est dans une « épicerie-
théâtre », où l’on se joue, où
l’on se montre — l’épicerie est un
peu une agora) mais que je cherchais
quelque chose d’autre, qui
avait à voir avec leur vie, avec leur
être plus qu’avec leur paraître... En
même temps, ils ne se racontent
pas plus que ce qu’on peut exprimer
en société, dans une épicerie,
on est à la frontière de l’intime et
du théâtre. C’est quelque chose de
possible. (…)
Vidéo
Extrait du film :
Témoignage :
http://www.dailymotion.com/video/x3iu2y_alimentation-generale-2_politics
Production/Diffusion : Arsenal Prod